Le« monde des artistes » qu’on pourrait croire au-dessus du cercle des affaires, le troisiĂšme cercle de cet enfer, est plein de visages « noblement brisĂ©s, mais brisĂ©s, fatiguĂ©s, sinueux » comme, dans l’un des « Tableaux parisiens » de Baudelaire, « les plis sinueux des vieilles capitales » . Les artistes sont « excĂ©dĂ©s par
À VICTOR HUGO I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l’horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ; Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©s Qu’ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l’eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s’étonne et qui rit Ă  tout ce qui reluit. — Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d’un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d’un goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque j’entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S’en va tout doucement vers un nouveau berceau ; À moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l’aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l’ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l’on met tous ces corps. — Ces yeux sont des puits faits d’un million de larmes, Des creusets qu’un mĂ©tal refroidi pailleta
 Ces yeux mystĂ©rieux ont d’invincibles charmes Pour celui que l’austĂšre Infortune allaita ! II De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m’enivrent ! mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu’au ciel ! L’une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L’autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L’autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! III Ah ! que j’en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă  l’heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s’asseyait Ă  l’écart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d’or oĂč l’on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cƓur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son Ɠil parfois s’ouvrait comme l’Ɠil d’un vieil aigle ; Son front de marbre avait l’air fait pour le laurier ! IV Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, À travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cƓur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d’un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et vil. Honteuses d’exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d’humanitĂ© pour l’éternitĂ© mĂ»rs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L’Ɠil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j’étais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s’épanouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon cƓur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ?
dans les plis sinueux des vieilles capitales
Dansune rue de Paris, non loin de l'appartement de Claude-HĂ©lĂšne et de TĂ©rence, un couple d'apparence ordinaire, des travaux de rĂ©novation mettent au jour un mur aveugle et noir. Claude-HĂ©lĂšne le connaĂźt par cƓur : c'est elle qui l'a conçu, il y a quinze ans, quand elle a inventĂ© . Home Bookstore. Home Bookstore. Log in. Sign up. By continuing to use our service, you
Passer au contenu principal Synopsis A propos du livre 1680pages. 18x13x5cm. BrochĂ©. ; envois en suivi pour la france et l'etranger Les informations fournies dans la section Synopsis » peuvent faire rĂ©fĂ©rence Ă  une autre Ă©dition de ce titre. PrĂ©sentation de l'Ă©diteur Cela a commencĂ© pendant la nuit et personne ne l'a remarquĂ© ce furent les premiers Ă©lĂ©ments. Une sorte de pou dans le mur. Des carrĂ©s de mosaĂŻques se sont multipliĂ©s sur les façades des bĂątiments. Pourquoi un individu s'est astreint Ă  coller de la mosaĂŻque un peu partout dans la ville, nul ne le sait. Et la police dĂ©sespĂšre. Claude-HĂ©lĂšne et TĂ©rence se sont mariĂ©s il y a dix ans, avec pour tĂ©moins MichĂšle Barret-Lauze, maĂźtre Ă  penser de TĂ©rence, et Colin, l'homme de théùtre qui a fait partie de l'avant-garde artistique avant de s'exiler de la capitale. Un matin, TĂ©rence dĂ©couvre par hasard un mur aveugle et noir qu'il n'a jamais vu, mais que Claude-HĂ©lĂšne connaĂźt bien. Ce mur la replonge dans son passĂ©, d'autant plus que TĂ©rence s'Ă©loigne peu Ă  peu. A-t-elle jamais rĂ©ellement su qui il Ă©tait ? Peut-ĂȘtre est-il temps pour Claude-HĂ©lĂšne de ressortir ses vieux projets d'intervention artistique urbaine et de les proposer eu nouveau maire ? Il rĂȘve de lancer la toute premiĂšre Nuit blanche, ....une nuit qui sera un perpĂ©tuel crĂ©puscule et dĂ©jĂ  une aurore. Mais le jour se lĂšvera-t-il sur la ville mosaĂŻque ? Magistrale comĂ©die de moeurs Ă  l'Ă©chelle d'une ville, ce roman d'une ville de Sylvie Taussig explore les moindres replis des relations humaines, ses impostures et ses rigiditĂ©s ; elle y invente une oeuvre libre; ironique et singuliĂšre. Les informations fournies dans la section A propos du livre » peuvent faire rĂ©fĂ©rence Ă  une autre Ă©dition de ce titre. Meilleurs rĂ©sultats de recherche sur AbeBooks Image fournie par le vendeur Dans les plis sinueux des vieilles capitales Sylvie Taussig EditĂ© par Editions Galaade 2012 ISBN 10 2351761715 ISBN 13 9782351761717 Ancien ou d'occasion Softcover QuantitĂ© disponible 1 Description du livre Softcover. Etat Bon. Ancien livre de bibliothĂšque. LĂ©gĂšres traces d'usure sur la couverture. Tampon ou marque sur la face intĂ©rieure de la couverture. Ammareal reverse jusqu'Ă  15% du prix net de ce livre Ă  des organisations caritatives. ENGLISH DESCRIPTION Book Condition Used, Good. Former library book. Slight signs of wear on the cover. Stamp or mark on the inside cover page. Ammareal gives back up to 15% of this book's net price to charity organizations. N° de rĂ©f. du vendeur B-640-423 Plus d'informations sur ce vendeur Contacter le vendeur Image fournie par le vendeur Image d'archives Image d'archives Image d'archives Image fournie par le vendeur Image fournie par le vendeur
Fautil que les choses d'en bas le modifient ? » Cela a commencé pendant la nuit et personne ne l' « Le ciel de Paris en fut-il ce matin ? Et qui complotait ? Faut-il que les choses d'en bas le modifient ? » Cela a commencé pendant la nuit et personne ne l'a remarqué : ce furent les premiers Aller à la navigation Aller au contenu. Recherche pour : Recherche. Menu.
Les grandsclassiques PoĂ©sie Française 1 er site français de poĂ©sie Les Grands classiques Tous les auteurs Charles BAUDELAIRE Les petites vieilles Les petites vieilles A Victor HugoIDans les plis sinueux des vieilles capitales,OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements,Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatalesDes ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes,Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossusOu tordus, aimons-les ! ce sont encor des des jupons trouĂ©s et sous de froids tissusIls rampent, flagellĂ©s par les bises iniques,FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus,Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ;Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ;Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s,Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettesOĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©sQu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ;Ils ont les yeux divins de la petite filleQui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieillesSont presque aussi petits que celui d'un enfant ?La Mort savante met dans ces biĂšres pareillesUn symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant,Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bileTraversant de Paris le fourmillant tableau,Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragileS'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie,Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords,Combien de fois il faut que l'ouvrier varieLa forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta...Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmesPour celui que l'austĂšre Infortune allaita !IIDe Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ;PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleurEnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©eQue Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘlesIl en est qui, faisant de la douleur un mielOnt dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel !L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e,L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs,L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e,Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !IIIAh ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles !Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombantEnsanglante le ciel de blessures vermeilles,Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,Dont les soldats parfois inondent nos jardins,Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre,Versent quelque hĂ©roĂŻsme au coeur des droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle,Humait avidement ce chant vif et guerrier ;Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ;Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier !IVTelles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes,A travers le chaos des vivantes citĂ©s,MĂšres au coeur saignant, courtisanes ou saintes,Dont autrefois les noms par tous Ă©taient qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire,Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivilVous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ;Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et d'exister, ombres ratatinĂ©es,Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ;Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es !DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,L'oeil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains,Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille !Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ;Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;Mon coeur multipliĂ© jouit de tous vos vices !Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres !Je vous fais chaque soir un solennel adieu !OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires,Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ?
\n \ndans les plis sinueux des vieilles capitales
Dansles plis sinueux des vieilles capitales GALAADE EDITIONS. Date de publication : 2012-08-16 TĂ©lĂ©chargement . Ce titre n'est plus disponible Ă  la vente. 0%. Extrait gratuit. TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat DĂšs validation de votre commande. Solution LCP DRM ×. Ce livre est protĂ©gĂ© contre la rediffusion Ă  la demande de l'Ă©diteur (DRM). La solution LCP apporte
Les ruelles sinueuses, les bĂątiments baroques et les remarquables curiositĂ©s de la capitale fĂ©dĂ©rale ont des histoires passionnantes Ă  raconter. La visite classique dans la vieille ville classĂ©e au patrimoine mondial de l’UNESCO offre un aperçu fascinant du passĂ© de Berne. Janvier 18 au 19. Jan. Ă  partir de 0000 heures CongrĂšs Suisse de l'Ă©lectricitĂ© 2023 Septembre 19 au 19. Sep. Ă  partir de 0000 heures Sichlete » Place fĂ©dĂ©rale Septembre 16 au 15. Jan. Ă  partir de 1000 heures Gurlitt un bilan Wasen im Emmental, Kunstmuseum Bern Septembre 23 au 08. Jan. Ă  partir de 1000 heures Isamu Noguchi Burgdorf, Zentrum Paul Klee
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Dansles plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes Je te donne ces vers Je te donne ces vers afin que si mon nom Aborde heureusement aux Ă©poques lointaines, Et fait
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ÀVictor Hugo I Dans les plis sinueux des vieilles capitales,OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements,Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales,Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes,Éponyme ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossusOu tordus, aimons-les ! Ce sont encor des Ăąmes.Sous des Continuer la lecture
Yves Charnet a privilĂ©giĂ© le mode de la lettre Ă  pour dire son admiration de sorte que celle-ci soit sensible au coeur. Ce qui n’exclut nullement la finesse des analyses ! Celle-ci s’adresse Ă  Claude Pichois qui nous a quittĂ©s rĂ©cemment, et dont sait les travaux sur GĂ©rard de Nerval et Charles Baudelaire. Ă  lire aussi d’Yves Charnet sur une lettre Ă  Pierre Bergounioux, une lettre Ă  Olivier Rolin. L’orage rajeunit les fleursune lettre Ă  Claude Pichois Choisissant de m’adresser Ă  vous devant des jeunes gens auxquels le hasard des programmes a remis entre les mains, pour prĂ©parer leur AgrĂ©gation, Les Fleurs du Mal, je veux bien sĂ»r rappeler - cher Claude Pichois - que, par votre patient et mĂ©thodique travail d’éditeur comme de biographe, vous aurez changĂ© jusqu’aux conditions mĂȘmes de la lecture d’un livre qui se confond avec l’origine de notre poĂ©sie moderne. Je tiens surtout Ă  marquer que, dans ma propre existence, je n’aurais pas, sans votre insistante vigilance, retrouvĂ© l’énergie de m’aventurer sur nouveaux frais dans l’expĂ©rience d’une autre traversĂ©e de ces poĂšmes. La nature singuliĂšre des liens qui se sont nouĂ©s entre nous quand, consacrant ma thĂšse aux Ă©crits esthĂ©tiques du poĂšte, il m’a donc Ă©tĂ© donnĂ© de vous rencontrer, comme la constante attention dont, depuis 1992, vous aurez encouragĂ© mes tentatives pour comprendre, chez Baudelaire, la poĂ©tique de l’énergie lyrique - ces façons de main tendue relĂšvent, sans doute, de l’amitiĂ©. Il n’y a pas lieu, bien sĂ»r, de gloser ici des circonstances privĂ©es. Mais c’est l’occasion de manifester publiquement une dette. Et plus que cela. La reconnaissance de ce que, dans nos vies, le travail, la pensĂ©e, les tentatives d’écrire doivent Ă  la chance, vous savez, des rencontres. M’adressant Ă  des jeunes gens qui sont ce que je fus Ă  leur place - candidat moi-mĂȘme, la derniĂšre fois que les Fleurs Ă©taient, en 1989, au programme du Concours - , je voudrais donc aujourd’hui continuer Ă  voix haute cet interminable entretien qui donne son rythme Ă  nos conversations baudelairiennes. Les organisateurs de ces nĂ©cessaires JournĂ©es d’études » voudront bien me pardonner de ne plus ĂȘtre capable de m’exprimer selon des codes strictement acadĂ©miques. Et de ne pouvoir penser que dans le risque de cette adresse singuliĂšre que sont ces petites lettres critiques dont la maniĂšre s’est imposĂ©e progressivement Ă  la sorte d’écrivain que j’essaye d’ĂȘtre. Un Ă©crivain baudelairien - au sens d’une active interaction, vous savez, entre la poĂ©tique et le poĂšme. Je voudrais commencer cette lettre par ce qui constitue significativement la fin d’une des sommes que vous aurez consacrĂ©es au poĂšte, ce Baudelaire, Ă©tudes et tĂ©moignages qui contient, dans sa nouvelle Ă©dition revue et augmentĂ©e » La BaconniĂšre, 1976, le texte inĂ©dit dont, cherchant Ă  relire Les Fleurs du Mal, j’aimerais, aujourd’hui, repartir. Baudelaire ou la difficultĂ© crĂ©atrice », tel est le titre de cette Ă©tude qui conclut votre ouvrage sur la maniĂšre originale dont notre poĂšte a su, de la difficultĂ© d’ĂȘtre et de crĂ©er, faire une difficultĂ© vraiment crĂ©atrice de nouvelles valeurs esthĂ©tiques ». Venant aprĂšs un examen trĂšs prĂ©cis des relations entre l’état physiologique et le pouvoir crĂ©ateur » chez un poĂšte dont on sait que - au-delĂ  comme en deçà des affections physiologiques et psychiques dont les symptĂŽmes Ă©taient dĂ©clarĂ©s - il avait lui-mĂȘme diagnostiquĂ© sa maladie secrĂšte », votre Ă©tude pose, avec une rigoureuse prudence, les bases d’une interprĂ©tation qui, de cette difficultĂ© de crĂ©er », ferait un des traits majeurs de la gĂ©nĂ©tique et de la psychologie baudelairienne ». Vous insistez avec raison sur le fait que, entre 1821 et 1867, pendant quarante six annĂ©es d’une existence possĂ©dĂ©e par la dĂ©possession, on compte Ă  peine, chez Baudelaire, deux pĂ©riodes de vĂ©ritable vitalitĂ© crĂ©atrice », se rĂ©partissant sur deux groupes d’annĂ©es 1842-1846 ; 1857-1861 ». À peine, en effet, une dizaine d’annĂ©es pour ce poĂšte dont sera condamnĂ©, en 1857, le seul livre vraiment voulu par lui que, de son vivant, il aura vu paraĂźtre. Du dieu de l’impuissance » dont Samuel Cramer, l’un de ses premiers doubles, se rĂ©clame au roi d’un pays pluvieux » que l’un des Spleen montre impuissant, jeune et pourtant trĂšs vieux », il faudrait, reprenant la massive biographie que vous avez consacrĂ©e Ă  Baudelaire, retracer l’itinĂ©raire existentiel de ce poĂšte qui, songeant fraternellement Ă  un autre errant dĂ©sƓuvrĂ©, confie Ă  Poulet-Malassis Je me suis senti attaquĂ© d’une espĂšce de maladie Ă  la GĂ©rard, Ă  savoir la peur de ne plus pouvoir penser, ni Ă©crire une ligne ». On referait avec profit la genĂšse de cette impuissance littĂ©raire ». Dans une lettre encore, Baudelaire ne cache pas Ă  sa mĂšre l’effroi dans lequel le prĂ©cipite, en effet, cette idĂ©e folle ». Le dĂ©sƓuvrement, c’est-Ă -dire l’absence d’Ɠuvre. L’impossibilitĂ© de faire » - comme le dit Le Mauvais Moine - Du spectacle vivant de ma triste misĂšre / Le travail de mes mains et l’amour de mes yeux ». Respectant le contrat propre Ă  ces deux JournĂ©es d’études », je me contenterai ici de reprendre Ă  mon compte l’hypothĂšse qui conclut votre article sur la difficultĂ© crĂ©atrice » - hypothĂšse selon laquelle Baudelaire traiterait cette impuissance comme l’un des objets de sa poĂ©sie ». Baudelaire, Ă©crivez-vous, ne cesse de s’ausculter. Il se demande jusques Ă  quand l’accompagnera la Muse malade. » Si vous soulignez Ă  juste titre qu’il n’est pas, dans notre poĂ©sie, le premier membre de la famille des inspirĂ©s maigres », ceux qui craignent toujours de voir tarir leur inspiration », vous diffĂ©renciez cependant Baudelaire de Du Bellay, Vigny, Nerval, en affirmant, qu’avant lui, jamais la poĂ©sie ne s’était prise elle-mĂȘme, systĂ©matiquement, pour objet de la crĂ©ation ». C’est cette hypothĂšse que je voudrais donc mettre Ă  l’épreuve d’une relecture - aussi peu systĂ©matique » que possible... - des Fleurs du Mal. En commençant par rappeler l’évidence selon laquelle ce livre - affirmant, dans son titre mĂȘme, la lettre de son projet - se propose bien de se demander - la poĂ©sie se faisant, vous savez, Ă  coups de questions sans rĂ©ponse - comment le mal peut donner naissance Ă  des fleurs. C’est d’ailleurs le premier argument qui vient, et non sans une ironique insolence, Ă  l’esprit de Baudelaire quand, Ă  la demande de Poulet-Malassis, il rĂ©dige, en 1860, des essais de prĂ©face » pour la réédition de son livre condamnĂ© Des poĂ«tes illustres s’étaient partagĂ© depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poĂ©tique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agrĂ©able que la tĂąche Ă©tait plus difficile, d’extraire la beautĂ© du Mal. » Ce que vous appelez le fort oxymoron » de ce titre met au programme, et d’entrĂ©e de jeu, la difficultĂ© de faire de la crĂ©ation avec de la destruction. De donner un ordre au chaos. De figurer le nĂ©gatif dans la poĂ©sie. Le Mal lui-mĂȘme devient une origine. N’est-ce pas le paradoxe d’une floraison, maladive autant que maudite, que notre poĂšte entend tenir dans le rythme dont se soutient, et de part et en part, le livre que commande un tel titre ? Ce Mal, la premiĂšre section des Fleurs commence par lui redonner son nom de maladie le spleen. Pensant encore choisir Les Limbes comme titre pour son livre, Baudelaire a prĂ©cocement identifiĂ© la tension propre Ă  toute sa poĂ©tique. Le livre » que, en juin 1850, il annonce dans Le Magasin des familles n’est-il pas significativement destinĂ© Ă  reprĂ©senter les agitations et les mĂ©lancolies de la jeunesse moderne » ? DĂšs son commencement le rythme-Baudelaire met en circulation dans le poĂšme l’instable Ă©nergie du sujet dĂ©pressif. Le 9 avril 1851, Baudelaire n’hĂ©site pas Ă  redire, dans Le Messager de l’AssemblĂ©e, que Les Limbes sera un livre destinĂ© Ă  retracer l’histoire des agitations spirituelles de la jeunesse moderne ». Il n’a pas encore trouvĂ© son titre. Sa poĂ©tique l’a dĂ©jĂ  trouvĂ©. C’est l’invention d’une historicitĂ© singuliĂšre. L’avĂšnement d’une irrĂ©ductible modernitĂ©. Celle du sujet agitĂ© qui fait de la mĂ©lancolie le mouvement mĂȘme de son poĂšme. ExpĂ©rience d’une pression propre Ă  la dĂ©pression. Expression d’une Ă©nergie qui fera pousser le poĂšme Ă  mĂȘme la dĂ©composition. Dressant le bilan d’une jeunesse » qui ne fut qu’un tĂ©nĂ©breux orage », un sonnet comme L’Ennemi montre comment le ravage » peut paradoxalement constituer une chance de renaissance Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rĂȘve / Trouveront dans ce sol lavĂ© comme une grĂšve / Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? » La poĂ©tique baudelairienne de l’énergie crĂ©atrice contient, vous savez, son propre paysage. La comparaison du poĂšme Ă  une fleur implique de prendre au sĂ©rieux ce que dit le poĂšte Ă  propos de sa façon de cultiver son livre-jardin. Il convient, pour comprendre le choix que va faire Baudelaire d’une Ă©nergie maudite, de mettre en regard les deux paysages que proposent, d’une part, L’Ennemi et, d’autre part, La Rançon. Faisant parti des Douze poĂšmes primitivement envoyĂ©s Ă  Gautier, La Rançon montre Ă  quoi auraient pu ressembler des fleurs du Bien », religieusement cultivĂ©es sous le regard de Dieu, plutĂŽt que ces fleurs maladives » que Baudelaire aura finalement offertes au patron de /s/a dĂ©tresse », Satan. Dans La Rançon l’homme » a, vous savez, vocation Ă  dĂ©fricher, avec le fer de sa raison », deux champs au tuf profond et riche » L’un est l’Art, et l’autre l’Amour ». Arrosant ces deux champs avec les pleurs salĂ©s de son front gris », le bon cultivateur espĂšre montrer », au jour du Jugement, des granges / Pleines de moissons, et des fleurs / Dont les formes et les couleurs / Gagnent le suffrage des Anges ». Nous voici bien loin des mĂ©lancoliques convulsions de la jeunesse moderne qui font, vous vous en souvenez, le programme de ce livre que, dans ses notes pour son avocat, Baudelaire, prĂ©sentera, en 1857, comme un livre destinĂ© Ă  reprĂ©senter L’AGITATION DE L’ESPRIT DANS LE MAL ». Ce livre atroce », selon la fameuse formule que, en fĂ©vrier 1866, notre poĂšte inscrira dans une des derniĂšres lettres de sa vie consciente. Baudelaire n’a finalement intĂ©grĂ© La Rançon Ă  aucune des versions successives des Fleurs du Mal. DĂšs l’édition de 1857 la problĂ©matique exposĂ©e par ce poĂšme se trouve prĂ©sente, et de tout autre façon, dans le sonnet qui prĂ©cĂšde immĂ©diatement L’Ennemi. Le sujet qui parle dans Le Mauvais Moine s’avance en effet comme le double antithĂ©tique du bon cultivateur. Il se dĂ©finit lui-mĂȘme comme mauvais » au sens oĂč, moine fainĂ©ant », il se dĂ©couvre radicalement incapable de travailler la terre. De travailler de ses mains. Figure du poĂšte sans Ɠuvre, ce mauvais cultivateur ressent avec d’autant plus de culpabilitĂ© son impuissance qu’il se souvient de ces temps oĂč du Christ florissaient les semailles ». L’acĂ©die dont souffre, Ă  l’évidence, ce mauvais cĂ©nobite » fait de lui le frĂšre du sujet poĂ©tique qui tente, en cultivant prĂ©cisĂ©ment des fleurs du Mal », de donner sens Ă  sa coupable paresse. Baudelaire ne peut choisir d’interprĂ©ter la mĂ©lancolie comme une Ă©nergie moderne qu’en imaginant une nouvelle mythologie de l’énergie crĂ©atrice. Qu’en assumant de renverser en nĂ©gatif ce que l’ancienne mythologie prĂ©sentait, jusqu’à lui, comme positif. Des Fleurs du Bien aux Fleurs, oui, du Mal. Il y va, comme toujours avec le poĂšme, d’une rĂ©invention des valeurs. Sous couvert d’enquĂȘter sur l’inspiration, ce sont ainsi tous les premiers poĂšmes de Spleen et IdĂ©al qui travaillent Ă  reconfigurer ce nouveau paysage mental. Les commentaires dont, dans l’édition PlĂ©iade, vos notes accompagnent ce cycle inaugural de l’inspiration » montrent que cette dĂ©cision de rompre avec l’ancien ordre des choses ne va pas, dans l’ouverture mĂȘme du livre, sans remords. Baudelaire ne dissimule pas ses nombreuses rĂ©sistances Ă  faire poĂ©tiquement le deuil des Ă©poques nues » dont il aime », en effet, le souvenir ». Il n’y en a sans doute que d’autant plus de prix Ă  assister Ă  cette violente mise en place d’une autre poĂ©tique. À cette instable articulation du spleen et de l’idĂ©al. À cette perturbante promotion d’un idĂ©al intĂ©grant le spleen. Énergie subversive que, faute de mieux, le poĂšte nommera mon rouge idĂ©al ». Nom sans nom de l’obscur ennemi » auquel doit, dĂ©sormais, faire une place cette Ăąme vide » que, Ă  la fin presque du livre, Horreur sympathique rĂ©vĂ©lera comme celle d’un nouvel Ovide. Insatiablement avide », vous savez, de l’obscur et de l’incertain ». Éprouvant dĂ©sormais la mĂ©lancolie comme Ă©nergie crĂ©atrice, le sujet moderne doit renoncer Ă  ses tentatives d’élĂ©vation. Surmonter son dĂ©sir de trouver une aile vigoureuse » pour s’élancer vers les champs lumineux et sereins ». Icare cassĂ©, le poĂšte ne peut que pleurer sur ses rĂȘves d’ un libre essor ». Et, comme Le Tasse dans le tableau de Delacroix, mesurer l’escalier de vertige oĂč s’abĂźme son Ăąme ». C’en est fini de cette agilitĂ© » qui, dans l’ancienne mythologie, permettait Ă  l’homme et la femme » d’exercer la santĂ© de leurs nobles machines ». Le sujet de la mĂ©lancolie moderne reste inconsolable de perdre de vue ces temps merveilleux oĂč la ThĂ©ologie / Fleurit avec le plus de sĂšve et d’énergie ». L’ultime Projet de prĂ©face » se rĂ©signe Ă  regret Ă  prĂ©senter Les Fleurs du Mal pour ce qu’elles sont. Un produit discordant de la Muse des Derniers jours ». Pour comprendre les raisons historiques de cette nostalgique fascination, il n’est, par exemple, que de revenir au poĂšme qui relie Correspondances aux Phares. Ce n’est pas sans rĂ©pulsion que le PoĂšte » qui parle dans J’aime le souvenir de ces Ă©poques nues se force Ă  concevoir » la poĂ©tique moderne du sujet. Nous avons, il est vrai, nations corrompues, / Aux peuples anciens des beautĂ©s inconnues / Des visages rongĂ©s par les chancres du cƓur, / Et comme qui dirait des beautĂ©s de langueur ; / Mais ces inventions de nos muses tardives / N’empĂȘcheront jamais les races maladives / De rendre Ă  la jeunesse un hommage profond. » Dans la mythologie de la vie moderne dont Baudelaire s’efforce dĂ©sormais de mettre en Ɠuvre le programme poĂ©tique il s’agit de faire rimer langueur et vigueur. De trouver une langue, comme dirait Rimbaud, pour cette pauvre muse » aux yeux creux ». Maintenant qu’elle est malade », sa maniĂšre de parler ne peut pas ne pas ĂȘtre profondĂ©ment affectĂ©e. Autre corps, autre rythme. D’oĂč cette dĂ©ception de constater qu’il ne sert plus Ă  rien, vous savez, d’adresser encore Ă  la Muse ancienne pareille priĂšre surannĂ©e Je voudrais qu’exhalant l’odeur de la santĂ© / Ton sein de pensers forts fut toujours frĂ©quentĂ©, / Et que ton sang chĂ©tien coulĂąt Ă  flots rythmiques / Comme les sons nombreux des syllabes antiques, / OĂč rĂšgnent tour Ă  tour le pĂšre des chansons, / PhƓbus, et le grand Pan, le seigneur des moissons. » C’est en effet avec paysages parisiens » que, dans l’édition de 1861, le poĂšte de la vie moderne devra composer » d’autres Ă©glogues ». Il appellera donc Muse, les fleuves de charbon » que chaque citadin voit monter au firmament ». Fantasque escrime » que ces hasards de la rime » qu’il faut dĂ©sormais apprendre Ă  flairer dans tous les coins » et recoins du vieux faubourg ». Le paysage de la nouvelle mythologie de l’énergie crĂ©atrice n’est plus, en 1861, le jardin de l’Ennemi oĂč reste bien peu de fruits vermeils ». Mais la ville de CrĂ©puscule du soir oĂč la Prostitution s’allume dans les rues ». Dans Spleen et IdĂ©al, un poĂšme de l’édition de 1857 me paraĂźt significativement faire la transition entre ces deux mythologies du rythme. Dans Une nuit que j’étais prĂšs d’une affreuse Juive le sujet baudelairien participe Ă  la fois du rĂ©gime antique et du rĂ©gime moderne de la beautĂ©. Sa propre pensĂ©e se trouve, et dans son intimitĂ© mĂȘme, activement traversĂ©e par cette division. Si le corps vendu » de la prostituĂ©e prĂšs de laquelle il est Ă©tendu » porte - au point d’ĂȘtre comparĂ© Ă  un cadavre » ! - les marques morbides du corps moderne, en revanche, la triste beautĂ© dont /s/on dĂ©sir se prive » se caractĂ©rise par la majestĂ© native » propre, selon l’érotique baudelairienne, aux femmes antiques. Aussi l’activitĂ© fantasmatique du sujet dĂ©sirant privilĂ©gie-t-elle encore, chez la reine des cruelles », son regard de vigueur et de grĂąces armĂ©, / Ses cheveux qui lui font un casque parfumĂ©, / Et dont le souvenir pour l’amour /l/e ravive ». Ce n’est qu’avec l’édition de 1861 que s’accomplit dĂ©finitivement cette difficile rupture avec l’ancienne mythologie de l’énergie crĂ©atrice. Si l’ajout de la section Tableaux parisiens Ă  la primitive architecture » des Fleurs constitue, pour la poĂ©tique baudelairienne, un tournant, n’est-ce pas parce que, dans ce nouveau paysage oĂč circulent des corps Ă  la beautĂ© dĂ©figurĂ©e, tout, mĂȘme l’horreur, tourne aux enchantements » ? La fascination que va, par exemple, Ă©prouver le sujet pour les petites vieilles » rĂ©vĂšle une irrĂ©versible conversion du dĂ©sir baudelairien. Une dĂ©finitive identification du sujet Ă  ces ruines » qui constituent, dĂ©sormais, sa famille ». Une radicale acceptation d’une autre Ă©nergie. Énergie crĂ©atrice en voie d’épuisement. Énergie dĂ©traquĂ©e caractĂ©risant la pensĂ©e propre aux cerveaux congĂ©nĂšres » de ces Éves octogĂ©naires » qui valent, pour parler comme Jean Starobinski, comme rĂ©pondants allĂ©goriques » du poĂšte. Ce sujet qui n’hĂ©sitera, vous savez, Ă  se comparer Ă  ces femmes sensibles et dĂ©sƓuvrĂ©es » postant des lettres Ă  des chers disparus, a sans doute fini par ne plus trouver autre chose, dans l’écriture, qu’une Ă©nergie pour la mort. Changement de dĂ©cor et de corps, la substitution du vieux Paris » Ă  la Nature de l’idylle traditionnelle correspond donc au passage du rĂ©gime ancien au rĂ©gime moderne de l’énergie poĂ©tique. DĂ©pression de l’expression. Une Ă©nergie destructrice prĂ©sidera, dĂ©sormais, Ă  l’activitĂ© crĂ©atrice. La mĂ©lancolie comme origine du lyrisme Ă  venir. C’est le nouveau pacte que, au seuil des Tableaux parisiens, scelle un poĂšme comme Le Cygne. Puisque rien ne bouge dans sa mĂ©lancolie, le sujet baudelairien choisit de faire de cette immobilitĂ© bilieuse le paradoxal mouvement de son poĂšme. C’est par son dĂ©sƓuvrement mĂȘme que ce sujet vacant va s’ouvrir Ă  la nĂ©gativitĂ© dont s’avĂšre irrĂ©mĂ©diablement affectĂ©e la vie moderne. Vieux faubourgs, tout pour moi devient allĂ©gorie ». AllĂ©gorie de quoi ? De cette Ă©nergie Ă  rebours dont, faisant le deuil de la vigueur antique, Baudelaire comprend que, non seulement elle caractĂ©rise la langueur moderne, mais qu’elle constitue surtout la matiĂšre explosive propre Ă  son expĂ©rience de l’impossible. Cette expĂ©rience de quiconque a perdu », comme le rappelle Le Cygne, ce qui ne se retrouve / Jamais, jamais ». Écrivant de tels tableaux parisiens », Baudelaire sait, en 1859, qu’il ne retrouvera jamais cette positivitĂ© mythique de l’ancienne Ă©nergie Ă  quoi, dans son ambition la plus aveuglĂ©e, a pu prĂ©tendre encore le lyrisme romantique. Dans les plis sinueux des vieilles capitales », la souverainetĂ© n’est plus l’affaire d’une prĂ©sence solaire et opulente. Barbe, Ɠil, dos, bĂąton, loques ». Le poĂšte doit faire avec l’absence, la nuit, le manque. Le rythme compose avec un poĂšme amaigri. Le sujet lyrique a dĂ©sormais le souffle court. Le souffle coupĂ©. Comme, devant l’apparition de ces spectres baroques », le promeneur Ă©pouvantĂ© qui parle dans Les Sept Vieillards. Ce sujet hantĂ© par les fantĂŽmes parisiens » qui - Ă  l’insu des monstres disloquĂ©s » dont il surveille » les mouvements de marionnettes » - goĂ»te », vous savez, des plaisirs clandestins ». Les petites vieilles » qui sont la proie de son voyeurisme deviennent en effet l’allĂ©gorie de cette Ă©nergie Ă  l’envers auquel le poĂšme va dĂ©sormais demander son bizarre Ă©lan. Ce mouvement renversant fait la fascination du rĂŽdeur parisien » qui, entrevoyant un fantĂŽme dĂ©bile » pendant sa promenade, imagine que cet ĂȘtre fragile / S’en va tout doucement vers un nouveau berceau ». L’énergie ruineuse qui met en branle le lyrisme moderne est celle qui, dans la vieillesse mĂȘme, recherche une autre renaissance. Telle est la poĂ©tique oxymorique que, et de plus en plus rĂ©solument, Baudelaire va, dans Les Fleurs du Mal, mettre en Ɠuvre. DĂšs le second poĂšme des Tableaux parisiens cette problĂ©matique Ă©tait dĂ©jĂ  posĂ©e. En effet, dans Le Soleil, l’astre du jour est comparĂ© au poĂšte » en ce que, conformĂ©ment Ă  l’antique mythologie, il Ă©veille dans les champs les vers comme les roses », mais aussi en ce que, conformĂ©ment Ă  la mythologie moderne, il descend dans les villes » pour ennoblir le sort des choses les plus viles ». Et, dans cette seconde perspective, la moindre de ses actions n’est pas, vous vous en doutez, de rajeunir les porteurs de bĂ©quilles ». De les rendre gais et doux comme des jeunes filles ». Peut-ĂȘtre, recevant Les Fleurs du Mal, Flaubert fut-il aussi sensible au singulier renversement auquel travaillait un tel livre. Il remercia significativement Baudelaire d’avoir trouvĂ© le moyen de rajeunir le romantisme ». Pareille poĂ©tique du rajeunissement ne vous paraĂźt-elle pas caractĂ©riser l’invention propre au sujet baudelairien pour redonner au lyrisme moderne une autre Ă©nergie ? L’énergie noire d’une vitalitĂ© convulsive. C’est la vitalitĂ© sans vitalitĂ© de l’Ennui » qui, dĂšs Au Lecteur, permet, dans un baĂźllement », d’avaler le monde. L’obscure vitalitĂ© de l’orage qui, dans L’Ennemi, creuse des trous grands comme des tombeaux ». La vitalitĂ© rouge de Lady Macbeth que L’IdĂ©al prĂ©sente comme une Ăąme puissante au crime ». C’est encore, bien sĂ»r, la rĂ©pugnante vitalitĂ© de la carcasse » en dĂ©composition » dont les vivants haillons », dans Une Charogne, dĂ©goulinent de larves ». La vitalitĂ© mortifĂšre qui, dans leur fureur », pousse les amants ulcĂ©rĂ©s » de Duellum Ă  transformer en duel leur duo. Afin d’éterniser l’ardeur de /leur/ haine ». La vitalitĂ© rĂ©surrectionniste qui fait jaillir toute vive une Ăąme qui revient ». Quand parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient ». La vitalitĂ© fĂȘlĂ©e de la voix du sujet lyrique. Quand elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits », cette voix impossible ressemble au rĂąle Ă©pais d’un blessĂ© qu’on oublie / Au bord d’un lac de sang, sous un grand de tas de morts / Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts ». La vitalitĂ© spleenĂ©tique de ce jeune squelette » au dĂ©sir dĂ©sastreux - de ce cadavre hĂ©bĂ©tĂ© / OĂč coule au lieu de sang l’eau verte du LĂ©thĂ© ». La vitalitĂ© sadique de cet amant masochiste qui, dans L’HĂ©autontimoroumĂ©nos, menace de frapper sa partenaire sans colĂšre / Et sans haine, comme un boucher », pour faire, dans ses pleurs salĂ©s », nager son dĂ©sir gonflĂ© d’espĂ©rance ». La dĂ©vorante vitalitĂ© de la vie mĂȘme qui finit par signifier son arrĂȘt de mort au vieux lĂąche » qu’incarne, selon L’Horloge, le sujet du dĂ©sir. De cette ruineuse vitalitĂ© le sujet baudelairien a donc Ă©prouvĂ© qu’elle est autant l’énergie de l’ennui que le travail de la mort. Ce lyrisme nĂ©gatif a, comme vous savez, le dernier mot dans Les Fleurs du Mal. C’est celui, par exemple, d’un des ultimes poĂšmes apportĂ©s par l’édition posthume de 1868. Madrigal triste contient, en effet, la formule de cette vitalitĂ© maudite dont Baudelaire aura choisi de ne pas protĂ©ger sa propre expĂ©rience poĂ©tique L’orage rajeunit les fleurs. » Dans le jardin que cultivait en secret le poĂšte qui parle dans L’Ennemi l’orage avait fait un tel ravage » que, vous vous en souvenez, la pousse mĂȘme de fleurs nouvelles » paraissait menacĂ©e. La Mort des artistes concluait encore l’édition de 1857 sur l’étrange espoir que, comme un Soleil nouveau », la Mort fasse, dans le cerveau » des crĂ©ateurs, s’épanouir les fleurs ». Paru pour la premiĂšre fois en mai 1861, Madrigal triste tire de cette poĂ©tique de la destruction crĂ©atrice la radicale conclusion que je viens de vous rappeler. Encore convient-il de noter que si l’orage rajeunit les fleurs », c’est comme les pleurs / ajoutent un charme au visage ». Le sadisme propre au sujet baudelairien trouve dans ce madrigal Ă  rebrousse-poil l’occasion d’une de ces galanteries » qui font souvent de son lyrisme amoureux un exercice de la cruautĂ©. C’est d’ailleurs dans un des poĂšmes significativement recueillis dans Galanteries que, et dans toute sa cruditĂ©, vous trouverez l’ultime expression, sans doute, de ce dĂ©sir quasi tĂ©ratologique pour une femme que l’ñge a commencĂ© de changer en vieux monstre ». S’adressant Ă  sa vieille infante » le sujet confesse, en effet, prĂ©fĂ©rer, aux fleurs banales du Printemps », les fruits » de l’ Automne ». Trouvant des grĂąces particuliĂšres » Ă  cette carcasse » qui n’est plus celle d’ un tendron », il s’avoue fascinĂ© par sa jambe musculeuse et sĂšche » qui, malgrĂ© la neige et la dĂšche », sait danser les plus fougueux cancans ». ComposĂ© en 1866, Le Monstre, un des derniers poĂšmes en vers de Baudelaire, propose une version agressivement satirique de cette Ă©nergie nĂ©gative qui me paraĂźt donner son rythme au lyrisme convulsif dont est traversĂ©, de part en part, un livre comme Les Fleurs du Mal. Ce poĂšme aux allures de galanterie scandaleuse n’a d’ailleurs pas d’autre conclusion qu’une cynique ? provocation. Le sujet baudelairien justifie sa passion pour cette trĂšs chĂšre » qui n’est plus fraĂźche ». Dans ce vieux chaudron », bouillonnent » encore les Ă©nergies du dĂ©sir Le jeu, l’amour, la bonne chĂšre ». Voici la derniĂšre dĂ©claration d’amour d’un poĂšte fascinĂ© jusqu’au sarcasme par la beautĂ© dĂ©composĂ©e Voulant du Mal chercher la crĂšme / Et n’aimer qu’un monstre parfait, / Vraiment oui ! vieux monstre, je t’aime ! » ... La rĂȘverie critique dont lui vient son mouvement arrivant maintenant Ă  son terme, je voudrais revenir au commencement de cette lettre qui m’a permis - cher Claude Pichois - de relire avec vous quelques-uns des poĂšmes oĂč Baudelaire a singuliĂšrement aiguisĂ©, dans Les Fleurs du Mal, les paradoxes propres Ă  l’énergie lyrique. Si persistait malgrĂ© tout » - comme vous l’écrivez dans votre Ă©tude intitulĂ©e L’Univers des Fleurs du Mal » - dans l’édition de 1857 une jeunesse confiante », il me semble que, perdant cette confiance, prĂ©cisĂ©ment, dans la jeunesse mĂȘme du poĂšme, l’édition de 1861, et, avec plus d’ironique cruautĂ© encore, les vers apportĂ©s par l’édition posthume de 1868, prenaient acte d’une double vieillesse de l’expĂ©rience et de l’expression. Ce brusque vieillissement ne me paraĂźt pas sans lien, vous l’aurez compris, avec une difficultĂ© crĂ©atrice » dont, et l’un des premiers, vous aurez fait remarquer que, chez ce poĂšte Ă©trangement dĂ©sƓuvrĂ©, elle constituait le rythme d’une Ă©criture en chute libre dans les gouffres de sa propre impuissance. Je continue d’ĂȘtre, vous le savez, bouleversĂ© par la rĂ©plique que, sentant chaque annĂ©e davantage la parole lui manquer, Baudelaire choisit d’opposer Ă  ce qu’il aura sans doute vĂ©cu comme un dĂ©faut fondamental de sa pensĂ©e. Le poĂšte au cerveau ruinĂ© n’aura pas trouvĂ© d’autre remĂšde Ă  sa maladie secrĂšte » que de donner la parole Ă  cette Ă©nergie noire dont chaque poĂšme tente, pourtant, de sublimer la ravageuse puissance. S’adressant Ă  sa mĂšre le 6 mai 1861 - et c’est une des lettres les plus cruciales pour une intime comprĂ©hension de Baudelaire - il formule significativement cette interrogation qui vaut pour son Ɠuvre parce qu’elle vaut pour sa vie Le rajeunissement est-il possible ? toute la question est lĂ  ? » Choisissant de faire de la crĂ©ation avec de la destruction, Baudelaire reste moderne parce que sa poĂ©sie ne sĂ©pare jamais la rime et la vie. Il comprend, entre 1857 et 1861, que son destin lui fait une intraitable obligation incorporer Ă  sa parole elle-mĂȘme l’énergie nĂ©gative de l’autodestruction qu’implique la radicale expĂ©rience de l’impossible dans laquelle sa propre existence l’aura dramatiquement engagĂ©. Quand paraĂźt - toujours privĂ©e, bien sĂ»r, des six piĂšces condamnĂ©es par le procĂšs de 1857 - l’édition de 1861, Baudelaire a quarante ans. Il a plus de souvenirs que s’il avait mille ans. Les photographies que l’on connaĂźt de lui montrent un visage dĂ©truit. Il vient de recueillir dans Tableaux parisiens ses plus beaux poĂšmes - et quelques-uns comptent, encore, vous le savez, parmi les plus admirables de toute notre poĂ©sie. Ces poĂšmes, on n’a pas assez remarquĂ© que Baudelaire les a littĂ©ralement arrachĂ©s, me semble-t-il, au dĂ©sastre. Certains d’entre eux contiennent mĂȘme une prophĂ©tie de la catastrophe Ă  venir. Ce n’est plus du jeu, la poĂ©sie. Ça ne l’a jamais Ă©tĂ©. Le noir tableau » que, dans son sommeil trouĂ© de cauchemars, voit le sujet qui tente, dans Le Jeu, de redonner un sens Ă  son effroi, ce rĂȘve nocturne » se passe de commentaire. Baudelaire y voit la limite de son ultime pari poĂ©tique, rajeunir sa façon de vivre et d’écrire en accueillant les Ă©nergies mortifĂšres de la vieillesse. N’avait-il pas accompli, et dĂšs les premiers poĂšmes finalement recueillis dans l’édition de 1857, la mĂȘme opĂ©ration avec les puissances convulsives du spleen ? Il se dĂ©couvre dans, Le Jeu, dĂ©finitivement sĂ©parĂ© de la vitalitĂ© fiĂ©vreuse de ces courtisanes vieilles » comme de la funĂšbre gaietĂ© » de ces vieilles putains ». Enviant de ces gens la passion tenace », le voici dĂ©jĂ  vouĂ© au vide dont, avant mĂȘme l’aphasie de 1866, il pressent qu’il a dĂ©jĂ  commencĂ© de l’envahir. La difficultĂ© crĂ©atrice est, pour reprendre - cher Claude Pichois - vos propres termes, tellement devenu l’objet » de sa poĂ©sie que Baudelaire lui-mĂȘme n’est plus, dans ce poĂšme, qu’un objet, en effet, de la difficultĂ© d’ĂȘtre et de parler. Vous connaissez ces vers oĂč le sujet baudelairien se dĂ©double de la plus irrĂ©mĂ©diable façon Moi-mĂȘme, dans un coin de l’antre taciturne, / Je me vis accoudĂ©, froid, muet ». Toulouse, 28-31 octobre 2002 9 janvier 2005 Roman/ classe de 3°/ autobiographie "Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants." Dans un Paris oĂč dĂ©ambule le poĂšte, le spleen et la souffrance nourrissent l'expĂ©rience du Beau. Un parcours Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissusIls rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ;Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©sQu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant,Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita !De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel !L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !Ah ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au coeur des droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier !Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, A travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au coeur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'oeil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon coeur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ? ÀVictor Hugo Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont À Victor Hugo. I. Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ; Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©s Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui reluit. - Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ; A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces corps. - Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita ! II. De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel ! L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! III. Ah ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au coeur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier ! IV. Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, A travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au coeur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et vil. Honteuses d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'oeil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon coeur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ? Charles Baudelaire Vieillesse
Dansles plis sinueux des vieilles capitales Sylvie Taussig. Galaade Edition. 12,00. Vertu Des Paiens Sylvie Taussig "CNRS Éditions" Voir tout (11) Dieu est mort, vive Dieu Anne Bernard Kearney. NiL Ă©ditions. 15,00. Le Monde selon Joseph Conrad, Joseph Conrad in a Global World Maya Jasanoff. Albin Michel. Retour sur le XXĂšme siĂšcle, une histoire de la pensĂ©e
TABLE DES MATIERES Chapitre 1. INTRODUCTION 2. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE CHARLES BAUDELAIRE 3. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE STÉPHANE MALLARMÉ 4. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE GUILLAUME APPOLINAIRE 5. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE MARIE KRYSINSKA 6. ETUDE COMPARATIVE DES QUATRE POEMES L’unitĂ© et les diffĂ©rences thĂ©matiques dans les quatre poĂšmes L’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© gĂ©nĂ©rique et stylistique des quatre poĂšmes Les quatre poĂšmes et l’évolution des formes poĂ©tiques entre symbolisme et futurisme/surrĂ©alisme. 7. L’ORIGINALITE DE L’ƒUVRE DE KRYSINSKA ET L’ORIGINE DU VERS LIBRE 8. CONCLUSIONS BIBLIOGRAPHIE ANNEXES CHAPITRE 1 INTRODUCTION Charles Baudelaire 1821-1867, StĂ©phane MallarmĂ© 1842 -1898, Marie Krysinska 1857-1908 et Guillaume Apollinaire 1880-1918 ont pris pour thĂšme Les fenĂȘtres » dans leur poĂ©sie. Cette thĂ©matique commune est le point de dĂ©part de cette Ă©tude comparative et intertextuelle Ă  partir des quatre poĂšmes suivants 1 Les fenĂȘtres » de Charles Baudelaire dans Le Spleen de Paris XXXV, 1869. 2 Les fenĂȘtres » de StĂ©phane MallarmĂ© dans Le Parnasse Contemporain, 1863/66. 3 Les fenĂȘtres » de Marie Krysinska dans Rythmes Pittoresques, 1890. 4 Les fenĂȘtres » de Guillaume Apollinaire dans Calligrammes, 1913-1916.[1] Nous chercherons Ă  souligner ce qui distingue ces quatre textes en suivant l’évolution des formes poĂ©tiques entre Baudelaire et les dĂ©buts du symbolisme et le futurisme/surrĂ©alisme. Le thĂšme commun Les fenĂȘtres » permet en effet de mieux mettre en valeur l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle qui sĂ©pare ces diffĂ©rentes voies poĂ©tiques » avec Baudelaire, la nouveautĂ© du poĂšme en prose ; avec MallarmĂ©, le renouvellement symboliste d’une forme plus classique ; avec Apollinaire, une forme simultanĂ©iste inspirĂ©e du futurisme. Nous ne traitons pas du poĂšme de Krysinska dans l'ordre chronologique pour deux raisons. La premiĂšre est que cette Ă©tude porte avant tout sur les aspects thĂ©matiques et formels ainsi que sur les diffĂ©rences gĂ©nĂ©riques et stylistiques qui distinguent ces quatre poĂšmes. Chaque poĂšme fera l’objet d’une introduction, puis d’une analyse chapitres 2, 3, 4 et 5. Le chapitre 6 de l’étude prĂ©sentera le contraste entre l’unitĂ© thĂ©matique des quatre poĂšmes et leur hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle. Ce contraste permet de mieux comprendre l’évolution des formes poĂ©tiques entre symbolisme et futurisme/surrĂ©alisme. La deuxiĂšme raison est que nous chercherons Ă  mettre en valeur l’originalitĂ© du poĂšme de Krysinska. Si les trois autres poĂšmes sont dĂ©jĂ  trĂšs connus et ont fait l'objet d'Ă©tudes comparatives.[2]En revanche celui de Krysinska n'est dans ce cadre jamais mentionnĂ©. En outre, son Ɠuvre n’a guĂšre retenu l’attention de la critique. Dans le chapitre 7, nous traiterons enfin de la question de l’origine du vers libre dans la poĂ©sie française dont l'invention est l'objet de maintes controverses. On Ă©tudiera l'apport de Marie Krysinska et le rĂŽle significatif qu'elle a pu jouer dans l'avĂ©nement de cette nouvelle forme. Contre le discours officiel, elle s'est en effet prĂ©sentĂ©e comme l’inventrice du genre. CHAPITRE 2 PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME DE CHARLES BAUDELAIRE Les fenĂȘtres » par Charles Baudelaire Introduction Le poĂšme en prose Les fenĂȘtres » par Charles Baudelaire se trouve dans le recueil Le spleen de Paris petits poĂšmes en prose.[3]Il fut tout d’abord publiĂ© le 10 dĂ©cembre 1863 dans la Revue nationale et Ă©trangĂšre.[4]L’ensemble des poĂšmes en prose ne sera publiĂ© pour la premiĂšre fois qu’en 1869 dans le tome IV des ƒuvres complĂštes du poĂšte, deux ans aprĂšs sa mort.[5] Le poĂšme et la poĂ©sie de la ModernitĂ© C’est en 1857 que Baudelaire songe Ă  un recueil de textes en prose.[6]Dans une lettre Ă  ArsĂšne Houssaye, Baudelaire parle du Miracle d’une prose poĂ©tique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtĂ©e pour s’adapter aux mouvements de l’ñme, aux ondulations de la rĂȘverie, aux soubresauts de la conscience. »[7] Dans le poĂšme en prose le jeu des strophes reproduit celui de la disposition des objets ou des motifs ». Cette disposition sert de principe d’énonciation et de dĂ©ploiement du poĂšme ».[8]Ces poĂšmes prĂ©sentent Ă  la fois une discontinuitĂ© des fragments et une unitĂ© du tout poĂ©tique. Ainsi, d’un point de vue gĂ©nĂ©rique la poĂ©ticitĂ© du texte est constituĂ©e par 1 les effets descriptifs et allĂ©goriques et non par la narrativitĂ© linĂ©aire ; 2 l’importance accordĂ©e aux images qui sont au cƓur de l’unitĂ© organique et de l’autonomie du poĂšme ; 3 l’emploi des licences poĂ©tiques comme vĂ©ritables figures ou effets poĂ©tiques et 4 la rĂ©fĂ©rence aux grands thĂšmes de la modernitĂ©, en particulier de la ville, l’imaginaire et les objets, les choses » de la vie courante.[9] La fenĂȘtre est associĂ©e Ă  la ville. Elle est un reflet de cet espace foisonnant et paradoxal de la modernitĂ© qu’est la grande ville ».[10]La fenĂȘtre est le point de dĂ©part de la rĂ©flexion du narrateur sur la ville. Celle-ci est au cƓur de la modernitĂ© qu’il ressent comme le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitiĂ© de l’art, dont l’autre moitiĂ© est l’eternel et l’immuable. »[11]Les vagues de toits » dans Les fenĂȘtres » dĂ©peignent l’expĂ©rience moderne de la grande ville, l’anonymat et l’indiffĂ©rence qui la caractĂ©risent.[12]C’est par-delĂ  les vagues de toits » que le poĂšte aperçoit une femme mĂ»re, ridĂ©e dĂ©jĂ , pauvre, toujours penchĂ©e sur quelque chose, et qui ne sort jamais. » Cette vieille femme rappelle la bonne vieille » du poĂšme Le dĂ©sespoir de la vieille » qui se retira dans sa solitude Ă©ternelle ».[13] La poĂ©sie de la ModernitĂ© inaugurĂ©e par le poĂšte est donc celle d’un regard Ă  la fois sur la ville et ses habitants. C’est dans ce sens que le poĂšme en prose de Baudelaire constitue une rĂ©volution et ouvre une voie nouvelle dans l’art de la poĂ©sie. Baudelaire a l’ambition de faire du poĂšme en prose la forme par excellence de la poĂ©sie moderne et urbaine ».[14] Les poĂšmes en prose, dans l’esprit de Baudelaire, restent toutefois dans la continuitĂ© de son Ɠuvre poĂ©tique. On trouve de nombreux doublets entre les poĂšmes versifiĂ©s et les poĂšmes en prose tels que Les CrĂ©puscules du soir » ou encore l’Horloge » qui portent des titres identiques pour chaque poĂšme. Cette continuitĂ© se vĂ©rifie donc au niveau de la thĂ©matique des poĂšmes en prose. En comparant l’Invitation au voyage » dans sa version versifiĂ©e et dans les petits poĂšmes en prose, on trouve une trĂšs large communautĂ© d’inspiration avec la reprise dans la prose des principaux rĂ©seaux thĂ©matiques du poĂšme en vers ».[15]Les petites vieilles » rampent ou trottent dans les plis sinueux des vieilles capitales » ; elles cheminent Ă  travers le chaos des vivantes citĂ©s ».[16] Les fenĂȘtres » reprend le thĂšme de la vieille dame ; le narrateur refait l’histoire de cette femme ». Analyse du poĂšme Structure Les FenĂȘtres » de Charles Baudelaire est un poĂšme de prose composĂ© de cinq courts paragraphes. Deux paragraphes monophrastiques se trouvent entre les deuxiĂšme et cinquiĂšme paragraphes. L’observateur nous convie Ă  une mĂ©ditation sur le sens d’une existence et de ses souffrances. Dans le premier paragraphe l’auteur part du rĂ©el une fenĂȘtre Ă©clairĂ©e d’une bougie. Le paragraphe suivant nous fait dĂ©couvrir une femme mĂ»re » et la lĂ©gende » de sa vie. Dans ce deuxiĂšme paragraphe et les trois qui suivent le poĂšme est Ă©crit Ă  la premiĂšre personne. Le poĂšme devient plus personnel. Ce n’est plus quelqu’un d’anonyme qui regarde dans ce trou noir ou lumineux » mais un narrateur homodiĂ©gĂ©tique. Le dernier paragraphe s’adresse au lecteur et le fait participer Ă  l’expĂ©rience, Ă  la rĂ©flexion de l’observateur. ThĂ©matique Les thĂšmes dominants du poĂšme sont ceux de la vision, la vie, la lumiĂšre, la souffrance.[17] Le poĂšme manifeste une prĂ©dilection pour les contrastes. Contrastes entre ce qui est tĂ©nĂ©breux et ce qui est Ă©blouissant ; entre ce qu’on peut voir au soleil et ce qui se passe derriĂšre une vitre. Contrastes entre la vie et la femme ridĂ©e ; entre ce qui est Ă©blouissant et le trou noir ; entre la vie et la souffrance. Les antithĂšses abondent dĂšs le premier paragraphe fenĂȘtre ouverte/fenĂȘtre fermĂ©e ; tĂ©nĂ©breux/Ă©blouissant ; ce qu’on peut voir au soleil/ ce qui se passe derriĂšre une vitre ; trou noir ou lumineux. La fenĂȘtre du poĂšme est un objet mystĂ©rieux » et fĂ©cond ». Les antithĂšses nous font entrevoir un mystĂšre qui se cache derriĂšre la fenĂȘtre. Dans trou noir ou lumineux », l’antithĂšse est marquĂ©e au moyen de la coordination ou ». Les contrastes aident le lecteur Ă  suivre une progression de la fenĂȘtre ouverte Ă  celle qui est fermĂ©e ; de la femme mĂ»re Ă  sa lĂ©gende ; de la lĂ©gende Ă  ce qui aide la poĂšte Ă  vivre. Dans le premier paragraphe, la fenĂȘtre » devient une vitre » derriĂšre laquelle vit la vie, rĂȘve la vie, souffre la vie ». Le mot vitre » permet la transition dans la progression du poĂšme vers ce qui est plus intĂ©ressant ». On peut noter l’allitĂ©ration en v » qui accompagne cette transition. A partir du deuxiĂšme paragraphe le mot fenĂȘtre » n’apparaĂźt plus. Toute l’attention se porte sur la femme mĂ»re ». L’observateur est Ă  prĂ©sent celui qui aperçoit cette femme, qui refait son histoire et se la raconte Ă  lui-mĂȘme. La vieillesse, la pauvretĂ© et la solitude d’une femme ou d’un pauvre vieux homme » constituent une lĂ©gende et nourrissent l’imagination du poĂšte. La lĂ©gende de la femme mĂ»re fait pleurer le poĂšte ; il participe Ă  sa souffrance. Le texte offre un contraste entre le moi » ou moi-mĂȘme » du poĂšte et d’autres que moi-mĂȘme », entre la rĂ©alitĂ© placĂ©e hors de lui et son ĂȘtre intime. Dans le dernier paragraphe le narrateur fait intervenir le lecteur. Ce dernier se pose la question de la vĂ©racitĂ© de la lĂ©gende. La rĂ©ponse du poĂšte fait encore appel au contraste, Ă  l’antithĂšse. Cette lĂ©gende placĂ©e hors du poĂšte l’aide pourtant Ă  vivre, Ă  savoir qu’il existe et ce qu’il est. C’est ce qui importe et non la vĂ©racitĂ© de la lĂ©gende. La premiĂšre partie du poĂšme coĂŻncide avec le premier paragraphe. Elle est marquĂ©e par la rĂ©pĂ©tition du mot fenĂȘtre ». Les trois premiĂšres phrases de ce paragraphe sont comparatives. Elles utilisent les trois comparatifs autant », plus » et moins ». Le comparatif plus » dans la deuxiĂšme phrase est rĂ©pĂ©tĂ© Ă  quatre reprises. Ce type de rĂ©pĂ©tition ressemble Ă  l’anaphore. Dans ce cas il s’agit plutĂŽt de reduplications en dĂ©but de syntagmes et qui crĂ©ent des parallĂ©lismes et un effet d’insistance. Dans le premier paragraphe, l’insistance se porte sur le pouvoir Ă©vocateur de la fenĂȘtre Ă©clairĂ©e d’une chandelle ». Dans la premiĂšre phrase le thĂšme de la vision s’appuie sur les verbes regarder et voir. La rĂ©pĂ©tition du mot plus » dans la deuxiĂšme phrase fournit Ă  ce premier paragraphe une bonne part de sa poĂ©ticitĂ© ; cette structure syntagmatique crĂ©e un effet de progression avec une sĂ©rie d’homophonies – profond »/ fĂ©cond »/ mystĂ©rieux »/ tĂ©nĂ©breux ». Elle se renforce sur le plan sĂ©mantique de ce qui est profond et mystĂ©rieux, tĂ©nĂ©breux, vers ce qui est Ă©blouissant. La troisiĂšme phrase remplace le mot fenĂȘtre » par un de ses mĂ©tonymes vitre ». Mais cette vitre est aussitĂŽt dĂ©crite par la mĂ©taphore d’un trou noir ou lumineux ». Le premier paragraphe offre une transition entre la fenĂȘtre », la vitre », le trou noir ou lumineux » puis la vie ». La fenĂȘtre est une vitre », le reflet de la vie. Les allitĂ©rations des mots vitre » avec vit » et vie » contribuent Ă  cette progression. L’opposition polaire entre tĂ©nĂ©breux » et Ă©blouissant » se retrouve dans la derniĂšre phrase de ce paragraphe trou noir ou lumineux ». La vie apparaĂźt Ă  travers un objet qui est Ă  la fois tĂ©nĂ©breux et Ă©blouissant et un trou noir et lumineux ». Le second paragraphe dĂ©crit Ă  la premiĂšre personne cette vision qui Ă©merge de la fenĂȘtre. DĂšs la premiĂšre phrase l’observateur aperçoit une femme mĂ»re ». Alors que les vagues de toit » Ă©voquent le mouvement, la femme est dĂ©crite comme un ĂȘtre immobile. En outre, l’observateur voit maintenant les choses de plus haut, depuis les vagues de toit ». Le poĂšme oppose le mouvement de la ville Ă  l’immobilitĂ© de la vieille femme toujours penchĂ©e sur quelque chose » et qui ne sort jamais ». Trois mots dĂ©crivent l’état de la vieille femme elle est ridĂ©e », pauvre » et penchĂ©e avec ridĂ©e » en antĂ©position par rapport Ă  dĂ©jĂ  ». La triple rĂ©pĂ©tition de la prĂ©position avec » rappelle la structure de la deuxiĂšme phrase au premier paragraphe. Cette structure produit un effet de parallĂ©lisme interphrastique et d’insistance. Ces reduplications dans les deux paragraphes contribuent Ă  la cohĂ©rence formelle du texte et donc Ă  sa poĂ©ticitĂ©. Cette reduplication focalise sur le visage, puis sur le vĂȘtement et le presque rien » qui permettent de refaire l’histoire de cette femme ». Dans le poĂšme nous sommes donc passĂ©s d’une fenĂȘtre, un trou noir », Ă  un visage et d’un visage Ă  une histoire. La vision permet au poĂšte de refaire l’histoire de cette femme. Cette histoire est sombre puisque le poĂšte pleure lorsqu’il se la raconte Ă  lui-mĂȘme. L’imaginaire occupe une place importante puisque c’est le narrateur qui refait » l’histoire de cette femme avec presque rien ». En outre, il ne s’agit pas simplement d’une histoire mais d’une lĂ©gende. Une vieille femme ridĂ©e et qui ne sort jamais devient le sujet qui permet au poĂšte d’imaginer, de crĂ©er toute une lĂ©gende. Dans la phrase qui suit l’auteur nous assure que l’histoire imaginaire qu’il se refait pourrait tout aussi bien ĂȘtre celle d’un vieux homme ». Le fait qu’il s’agit d’un vieux » et non d’une vieille est accentue par la libertĂ© de ne pas Ă©crire vieil homme » mais plutĂŽt vieux homme ». DĂšs le mot vieux » les allitĂ©ration en v » nous ramĂšnent aux thĂšmes essentiels du premier paragraphe vitre », vit », vie » et annoncent les thĂšmes qui suivent vĂ©cu », vraie », vivre ». La phrase qui suit est une conclusion. Tout ce qui prĂ©cĂšde se rapporte au thĂšme de la souffrance inhĂ©rente Ă  la vie. L’observateur a su voir par-delĂ  la fenĂȘtre, le trou noir ». Il trouve une satisfaction, une fiertĂ©, Ă  avoir souffert Ă  travers la vision de la vieille. Cette vision l’a aidĂ© Ă  vivre. Finalement le poĂšme s’adresse au lecteur et lui attribue une question sur la vĂ©racitĂ© de cette lĂ©gende. Cette question vient du fait que l’imaginaire a jouĂ© un rĂŽle important dans la fabrication de cette lĂ©gende. La rĂ©ponse du poĂšme est que la vĂ©racitĂ© n’est pas ce qui prime. La rĂ©alitĂ© placĂ©e hors du poĂšte n’est pas ce qui importe mais plutĂŽt le fait qu’elle l’a aidĂ© Ă  vivre. Cette derniĂšre phrase confirme ce qu’annonce le premier paragraphe ce qu’on voit Ă  travers une fenĂȘtre fermĂ©e est plus profond, plus Ă©blouissant, plus intĂ©ressant que ce qu’on voit Ă  travers une fenĂȘtre ouverte. Le trou noir est devenu un trou lumineux. L’observateur est Ă  prĂ©sent Ă©clairĂ© sur un mystĂšre ; il est Ă  prĂ©sent dĂ©tenteur d’une lĂ©gende qui l’aide Ă  vivre. La vision de la vieille a aidĂ© l’observateur Ă  mieux sentir sa propre existence, sa propre personne. CHAPITRE 3 PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME DE STEPHANE MALLARME Les FenĂȘtres » par StĂ©phane MallarmĂ© Introduction StĂ©phane MallarmĂ© Ă©crit les FenĂȘtres » en 1863 au dĂ©but de sa carriĂšre, Ă  l’ñge de 21 ans. Baudelaire rĂ©dige son poĂšme les fenĂȘtres » la mĂȘme annĂ©e. Le poĂšme de MallarmĂ© sera ensuite publiĂ© le 12 mai 1866 dans la onziĂšme livraison du Parnasse Contemporain. Dans la prĂ©sente Ă©tude nous basons notre analyse sur le texte publiĂ© dans Album de vers et prose 1887-1888.[18] Analyse Structure Le poĂšme est rĂ©digĂ© dans une langue claire, dĂ©nuĂ©e de l’hermĂ©tisme propre Ă  MallarmĂ©. De forme trĂšs classique le poĂšme est composĂ© de dix quatrains Ă©crits en alexandrins. Les rimes du poĂšme sont croisĂ©es et sont pauvres. Le poĂšme suit la rĂšgle classique de l’alternance de rimes fĂ©minines et masculines ; par exemple fĂ©tide/vide et rideaux/dos 1Ăšre strophe. Les cinq premiers quatrains dĂ©peignent un moribond qui s’efforce de voir du soleil » en collant son visage aux fenĂȘtres de son hĂŽpital. Dans les cinq quatrains qui suivent le narrateur s’accroche » aux fenĂȘtres et se mire » en elles pour y voir l’Infini. Cependant, les fenĂȘtres constituent un obstacle. Le narrateur se projette par le rĂȘve et l’imaginaire au-delĂ  de cet obstacle. Mais, en fin de compte, il reste prisonnier du rĂ©el. Le texte est empreint de tristesse, d’amertume. La vitre » qui produit une sĂ©paration entre le monde rĂ©el et l’idĂ©al en est un exemple Est-il moyen, ĂŽ Moi qui connais l’amertume, D’enfoncer le cristal par le monstre insultĂ©, Selon BĂ©nichou, le poĂšme frappe par la virulence de son pessimisme ».[19]Lorsqu’il envoie le manuscrit Ă  son ami Cazalis, MallarmĂ© lui adresse une lettre dans laquelle il affirme illustrer par ce poĂšme sa conviction selon laquelle le bonheur ici-bas est ignoble [
] J’ai fait sur ces idĂ©es un petit poĂšme, Les FenĂȘtres, je te l’envoie. »[20] Analyse Le lexique dĂ©veloppe principalement quatre thĂšmes 1/ La religion et le religieux.[21] 2/ Le malheur et la souffrance.[22] 3/ La beautĂ©, l’art, la lumiĂšre.[23]4/ Le corps humain. [24] Les cinq premiers quatrains dĂ©crivent le moribond de l’hĂŽpital. Les cinq quatrains qui suivent sont Ă©crits Ă  la premiĂšre personne. Le narrateur dĂ©peint son dĂ©goĂ»t d’une existence qui se heurte aux contraintes d’Ici Bas ». Selon BĂ©nichou le vieux moribond des FenĂȘtres et MallarmĂ© font une fraternitĂ© ». Il ajoute que l’hĂŽpital n’est pas une figure symbolique de la vie, c’en est une variante ».[25] [...] [1]Au cours d’une prĂ©sentation en classe du poĂšme de Marie Krysinska, le professeur Michel Sirvent me fit remarquer l’existence des trois autres poĂšmes sur le thĂšme des fenĂȘtres » ainsi que leur hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© formelle et comment l’étude de ces poĂšmes pouvait constituer le thĂšme d’un mĂ©moire de MaĂźtrise. Je dois donc au professeur Sirvent l’idĂ©e de ce mĂ©moire. [2]Nous nous rĂ©fĂ©rons, en particulier, Ă  l’article de RenĂ©e Linkhorn, Les fenĂȘtres propos sur trois poĂšmes.” French Review 1971 513-522. [3]Claude Pichois, Baudelaire, oeuvres complĂštes I Paris NRF Gallimard, 1977 339. Le poĂšme est reproduit en annexe de cette thĂšse. [4]Dominique RincĂ©, Baudelaire et la modernitĂ© poĂ©tique Paris Presses Universitaires de France, 1996 98. [5]RincĂ© note que L’histoire des proses du Spleen de Paris se confond avec celle des difficultĂ©s que Baudelaire rencontra pour en assurer la publication dans les revues de l’époque. » Ibid. 99, 96. [6]Ibid. 9. [7]Pichois, Baudelaire, 275-276. [8]Dominique RincĂ©, Bernard Lecherbonnier, LittĂ©rature textes et documents, XIXe siĂšcle Paris Nathan, 1986 405. [9]Ibid. 405. [10]Ibid. 404. [11]Pichois, Baudelaire, xviii. [12]JĂ©rĂŽme ThĂ©lot, Baudelaire violence et poĂ©sie Paris Gallimard NRF, 1993 74. [13]Pichois, 277-278. [14]RincĂ©, Lecherbonnier, LittĂ©rature, 401. [15]RincĂ©, Baudelaire, 101. [16]Pichois, Baudelaire, 89-91. [17]La vision regarde », voit », voir », j’aperçois ». La vie fĂ©cond », vit la vie », rĂȘve la vie », souffre la vie », vĂ©cu », aidĂ© Ă  vivre ». La lumiĂšre Ă©blouissant », Ă©clairĂ©e », chandelle », soleil », trou lumineux ». La souffrance pauvre », en pleurant », souffert ». [18] Album de vers et de prose fut publiĂ© par Librairie Universelle, Paris 1887-1888. Cette version du poĂšme se trouve aussi dans les ƒuvres ComplĂštes, Editions Gallimard, Paris 1998, p. 117. Elle est reproduite en Annexe de cette Ă©tude. Le 3 juin 1863, Ă  l’ñge de 21 ans, StĂ©phane MallarmĂ© envoie le poĂšme Les FenĂȘtres » Ă  son ami Cazalis. En 1866 MallarmĂ© partage avec son ami Cazalis la onziĂšme livraison du Parnasse Contemporain. Bertrand Marchal. StĂ©phane MallarmĂ© 1842-1898, ƒuvres ComplĂštes Paris Gallimard, 1998 XLIX. Paul BĂ©nichou note que les versions connues de ce poĂšme, manuscrites et imprimĂ©es, s’étendent sur toute la carriĂšre de MallarmĂ© ; il y a relativement peu de variantes dans ce long parcours ; mais certaines sont notables. » Paul BĂ©nichou, Selon MallarmĂ© Paris Gallimard, 1995 69. Parmi les variantes les plus notables de ce poĂšme on trouve, Ă  l’origine, au vers 37, la mention de Dieu Est-il moyen, mon Dieu, qui savez l’amertume ». En outre, dans le Parnasse Contemporain de 1866 le verbe savoir » est changĂ© en voir . Puis, en 1887 dans la Revue IndĂ©pendante, apparaĂźt la variante ĂŽ Moi, qui connais l’amertume. » [19]BĂ©nichou, Selon MallarmĂ©, 69. [20]Bertrand Marchal, StĂ©phane MallarmĂ© Correspondance complĂšte 1862-1871 Paris Gallimard, 1995 144. [21] L’encens » vers 1, le crucifix » vers 3, les saintes huiles » vers 13, bĂ©ni » vers 26, Ă©ternelles » rosĂ©es vers 27, l’Infini » vers 28, ange » vers 29, la mysticitĂ© » vers 30, Ici-bas » vers 29, l’éternitĂ© » vers 40. [22] triste hĂŽpital » vers 1, le moribond », un vieux dos » vers 4, se traĂźne », sa pourriture » vers 5, baiser amer » vers 12, le lit infligĂ© » vers 14, la toux » vers 15, dĂ©goĂ»t » vers 21, ordure » vers 23, je meurs » vers 29, vient m’écƓurer » vers 34, vomissement » vers 35, l’amertume » vers 36. [23] soleil » vers 6, beau rayon clair » vers 8, les tiĂšdes carreaux d’or » vers 12, de lumiĂšre gorgĂ© » vers 16, belles comme des cygnes » vers 17, l’éclair fauve » 19, l’art » 30, portant mon rĂȘve en diadĂšme » vers 31, au ciel antĂ©rieur oĂč fleurit la BeautĂ© » vers. 32, le cristal » 38. [24] vieux dos » vers 4, pourriture » vers 5, poils blancs et os de la maigre figure » vers 7, bouche fiĂ©vreuse » vers 9, jeune » vers 10, peau virginale et de jadis » vers 11, son Ɠil » vers 6, la femme allaitant ses petits » vers 24, l’épaule » vers 26, me boucher le nez » vers 36, mes deux ailes » vers 39. [25]BĂ©nichou, Selon MallarmĂ©, 69. Unmonstre », « deux millions de signes, cinq ans d’écriture, six de gestation, 1 776 pages entre les mains du lecteur : Dans les plis sinueux des vieilles capitales est plus qu’un pavĂ© Une rentrĂ©e littĂ©raire de crise ? 646 romans paraissent Ă  l'automne, contre 654 l'an dernier, soit une baisse de 1,2% selon Livres Hebdo. Refusant de se laisser gagner par la morositĂ©, nous avons listĂ© sept romans superlatifs de la rentrĂ©e le plus geek, le plus gourmand, le plus prĂ©sidentiel, le plus long, le plus mathĂ©maticien fou... Les traits saillants de la rentrĂ©e 2012, tels que livrĂ©s par le magazine professionnel Livres Hebdo ? 646 romans annoncĂ©s pour l'automne, dont 426 romans français et Ă  peine 69 premiers romans, chiffres les plus faibles depuis 2002 2001 pour les premiers romans. Prudents, les Ă©diteurs se sont rabattus sur les valeurs sĂ»res et ont limitĂ© les risques. Avant la rentrĂ©e, liste de sept romans français intrigants parce qu'ils sont le plus ... Le plus geek Le thĂšme du premier roman d'AurĂ©lien Bellanger, 32 ans, ancien libraire, a dĂ©jĂ  fait le tour de la Toile. "La thĂ©orie de l'information" Gallimard retrace la rĂ©volution numĂ©rique des quarante derniĂšres annĂ©es, du minitel Ă  Internet. Elle s'inspire, semble-t-il, de la trajectoire fulgurante d'un des rares milliardaires français qui n'ait pas hĂ©ritĂ© sa fortune le vice-prĂ©sident d'Iliad Free, Xavier Niel. "Adolescent solitaire Ă©pris d’informatique", le hĂ©ros du livre, "pornographe amateur, pirate rĂ©cidiviste et investisseur inspirĂ©, deviendra l’un des hommes les plus riches du monde"annonce l'Ă©diteur. Livres Hebdo prĂ©dit un beau destin Ă  ce roman de cinq cents pages, probablement "une des sensations de la rentrĂ©e". Un dĂ©tail encore il y a deux ans, l'auteur avait publiĂ© un essai consacrĂ© Ă  "Houellebecq, Ă©crivain romantique". VoilĂ  qui dĂ©signe un modĂšle, une ambition et une vision du monde ou de la littĂ©rature. Le plus prĂ©sidentiel Laurent Binet sera-t-il le Yasmina Reza de François Hollande ? "Le beau gosse agrĂ©gĂ© de lettres", comme l'avait dĂ©crit ValĂ©rie Trierweiler qui passe pour l'avoir introduit auprĂšs de l'ex-dĂ©putĂ© de CorrĂšze, s'est glissĂ© pendant la campagne dans le "Hollande tour" la cohorte des journalistes qui suivait le candidat socialiste. RĂ©cit-gonzo hautement subjectif de cette accession au pouvoir, "Rien ne se passe comme prĂ©vu" repose sur un insoutenable suspense "l'auteur, qui observe jour aprĂšs jour l'altĂ©ration de sa subjectivitĂ©, va-t-il finalement se convertir Ă  la sociale-dĂ©mocratie et voter Hollande ou tenter le diable, oublier 2002 et voter MĂ©lenchon ?" Grasset, qui va soigner la sortie, compte dĂ©crocher le gros lot comme l'avait fait Flammarion avec "L'Aube le soir ou la nuit". Ce court texte de Yasmina Reza sur la conquĂȘte de l'ElysĂ©e par Nicolas Sarkozy avait Ă©tĂ© un des best-sellers de 2007. Le plus long - et le plus emballant ? 1770 pages, diantre ! De quoi rivaliser avec la fibre feuilletonniste d'un Alexandre Dumas ou d'un EugĂšne Sue payĂ©s Ă  la ligne. Le plus long roman de la rentrĂ©e, "Dans les plis sinueux des vielles capitales" de Sylvie Taussig, est publiĂ© chez Galaade, petite maison de qualitĂ©. Comment justifie-t-elle un choix si hardi ? "Il s'agit d'un roman qu'on avait dans les bagages depuis cinq ans", s'enthousiasme-t-on chez l'Ă©diteur. "C'est une oeuvre monstre oĂč tout se rejoint, et une Ă©criture singuliĂšre". NĂ©e en 1969, l'auteur, traductrice de la philosophe Hannah Arendt, fait de la recherche au CNRS. Au critique paresseux, Galaade envoie un emballant "livret avec le synopsis", qui donne furieusement envie de plonger dans ce roman tentaculaire sur Paris, ville monde et citĂ© millĂ©naire. Le plus mathĂ©maticien "Albert Einstein aimait Ă  dire "je ne vais Ă  mon bureau que pour avoir le privilĂ©ge de rentrer Ă  pied avec Kurt Gödel" quatriĂšme de couverture. SignĂ© Yannick Grannec, "La dĂ©esse des petites victoires" raconte, par la voix de sa femme Anna, l'histoire de ce mathĂ©maticien et logicien de gĂ©nie 1906-1978 qui avait fui l'Autriche aprĂšs l'annexion nazie, pour rejoindre les Etats-Unis. DĂ©pressif, paranoĂŻaque, inapte Ă  la vie quotidienne, il fut Ă  deux doigts d'expliquer au juge chargĂ© de sa naturalisation qu'il avait trouvĂ© une faille logique dans la Constitution amĂ©ricaine permettant de transformer lĂ©galement le pays en dictature. La figure exceptionnelle de celui qui fut surnommĂ©, enfant, "Herr Warum" Monsieur pourquoi avait dĂ©jĂ  inspirĂ© des livres de haut vol comme Gödel, Escher et Bach, les brins d'une guirlande Ă©ternelle. L'on se rĂ©jouit qu'un roman grand public puisse enfin populariser cette vie hors du commun dans un siĂšcle tourmentĂ©. Le plus gourmand "Retrouvailles Ă  l'appartement de Flore. Elle me prĂ©pare des encornets avec un joli vin blanc. C'est vif. Rien de plus troublant qu'un plat fait maison. Prenez et mangez, ceci est mon corps." VoilĂ  un extrait de roman qui met autant en appĂ©tit que son titre coquin "Dans ma bouche", Flammarion. Quoi de plus normal puisque l'auteur s'appelle François Simon, critique gastronomique rĂ©putĂ© du "Figaro" ? Au menu de son roman, Ă©motions culinaires et conquĂȘtes fĂ©minines, de Bretagne au Japon et de Paris Ă  Hong Kong. Il faudra attendre la mi-septembre -date de sa sortie- pour juger si l'oeuvre est poivrĂ©e, suave ou fondante. Le plus fantastique Linda LĂȘ, une des plus belles Ă©critures de la littĂ©rature française, revient Ă  la rentrĂ©e 2012 avec "Lames de fond" chez Christian Bourgois. Un roman hantĂ© par les thĂšmes habituels de l'Ă©crivain l'amour, l'immigration, l'altĂ©ritĂ©, le poids de la langue. "Je n'ai jamais Ă©tĂ© bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j'ai toute envie de soliloquer." Ainsi commence le livre et le rĂ©cit de Van, immigrĂ© vietnamien qui se souvient, du fond de son cercueil, de sa derniĂšre annĂ©e d'exil en France. DĂšs "Les Ă©vangiles du crime", coup de maĂźtre publiĂ© Ă  moins de trente ans, en 1992, Linda LĂȘ a soudĂ© autour d'elle une secte d'adorateurs. Ce public conquis devrait, une fois de plus, ĂȘtre fidĂšle au rendez-vous. Le plus habituel C'est devenu un rituel AmĂ©lie Nothomb scelle le 23 aoĂ»t la rentrĂ©e littĂ©raire avec son roman annuel, le 21e en deux dĂ©cennies. Celui-ci s'intitule "Barbe Bleue", réécriture de son "conte de fĂ©es prĂ©fĂ©rĂ©", a-t-elle confiĂ© Ă  Livres Hebdo. La surdouĂ©e cĂ©rĂ©brale a-t-elle mis un peu de chair autour du sang annoncĂ© ? 2012, bon ou mauvais cru, vingt ans aprĂšs "HygiĂšne de l'assassin" ? Les pour et les contre s'Ă©charperont, mais Albin Michel parie comme d'habitude sur un best-seller tirage de dĂ©part Ă  exemplaires signĂ© du plus rentable de ses auteurs. Que pĂšse la critique quand le public a tranchĂ©, avec quinze millions d'exemplaires vendus en France depuis vingt ans ?
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QuatriĂšme de couverture Charles Baudelaire Tableaux parisiens tirĂ©s des Fleurs du mal Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. » Les petites vieilles »Dans ce Paris modernisĂ© oĂč dĂ©ambule le poĂšte, le spleen et la souffrance nourrissent l'expĂ©rience du parcours intime et souvent douloureux. Une rĂ©vĂ©lation esthĂ©tique unique. PoĂ©sie XIXe Niveau recommandĂ© LycĂ©e Une approche vivante € L'auteur, le contexte et les repĂšres historiques Ă  la portĂ©e des Ă©lĂšves€ Des questions d'histoire littĂ©raire€ Une frise chronologique Des outils complets € Des questionnaires avec des textes Ă©cho sur les passages clĂ©s€ Les thĂšmes de l'oeuvre€ Des groupements de textes€ Un sujet de bac€ Des approches thĂ©matiques L'oeuvre en dĂ©bat Les Fleurs du mal sont-elles immorales ? Question d'actualitĂ© Comment Ă©crire la ville aujourd'hui ? Interview exclusive € de François Lemaire, artiste peintre Analyse d'images Un dossier iconographique en couleurs ouvrant sur l'histoire des arts
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1776 pages, un « monstre » aux dires de son éditrice, « deux millions de signes » : le roman de Sylvie Taussig, Dans les plis sinueux des vieilles capitales, est décrit comme le «
Etsi vous dĂ©couvriez la riviĂšre au rythme des apgaies ? Laissez-vous guider par les arbres, libellules et autres animaux Cette animation s’inscrit dans le cadre du programme Rendez-vous nature en Anjou du DĂ©partement du Maine-et-Loire. RĂ©servation obligatoire. manifestations culturelles autour de BeauprĂ©au-en-Mauges Ă©vĂ©nements dans le dĂ©partement Maine-et-Loire
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